Mon mec est pervers narcissique, mon fils est précoce et je suis en burn-out
Quoi ? Pas vous ? Ah bon, moi je pensais que désormais 99% de la surface de la planète était couverte par ces fléaux. Car on peut parler de fléau. Vu qu’on ne parle plus que de ça. Comment ? Ça ne concernerait que 2 à 3% de la population ? Mais, alors pourquoi ça fait la Une de Psychologies Magazine six fois par an, le fonds de commerce permanent du courrier du cul de Brigitte Lahaie et même que t’as des questions-réponses dans Télé 7 jours dessus; c’est dire que c’est populaire non ?!
Grâce à ces hits des affres psychologiques, on a carrément sorti Freud de son boudoir et secoué le cocotier à des années de psychanalyses tapies dans l’ombre. C’est un peu le « Confessions intimes » des sciences cognitives, ça marche comme un test de Cosmo ou un horoscope dans Télé 2 semaines : tu peux toujours y trouver un petit truc à grailler. Tiens, d’ailleurs, rien qu’en remplissant deux, trois QCM en ligne comme ça, choisis à l’emporte-pièce, c’est pas compliqué, j’ai tout ! Ça va d’ailleurs beaucoup moins bien qu’avant du coup. Je pensais que j’étais un peu speed, version working-girl, mère de famille, qui, par ailleurs, a encore un peu de temps pour se prendre la tête sur tout. Normal quoi, rien de bien méchant à part que le boulot c’est chiant, le transport ça pue et les gamins ça crie. Mais non, j’ai bien pire que ça ! Grâce à une petite compile mix-tape finement choisie sur dostissimo, magicmaman, manipulation.com, deprime.overblog et perversion.blogspot, je serais atteinte de (attention prendre sa respiration) : TDAH, TOC, TOP, TIC, syndrome de Peter Pan, syndrome de Münchhausen, hypomanie, hypersomnie, dépression saisonnière, éjaculation précoce. Ah, mais y a du vrai hein. C’est net. A ce rythme-là, je vise la task force, l’élite des tarés ! Je vais pouvoir incarner un groupe de parole transphobique à moi toute seule ! Attention, j’aime beaucoup les trans, je voulais juste dire une nana qui mélange les phobies (mais pas celle des Trans, non non non non non). Pantophobique, voilà! Je suis pantophobique, le pantone de la phobie. Merci Wikipédia.
Et maintenant que je suis mieux informée, je me dis que peut-être bien que le Julien là, il était pervers-narcissique justement ! Bon avant tout, c’était un con. Qui kiffait des jumelles ritales; pourquoi pas, c’est vu et revu, mais bon. A l’époque, avec mes copines, on en avait conclu qu’il était pédé. Ça m’arrangeait bien de me dire ça, vu qu’il me méprisait outrageusement, ça ne pouvait évidemment être dû qu’à une erreur de cuti, un cuti-mistake; les jumelles c’était trop cliché pour faire vrai. Mais c'est qu'on ne connaissait pas encore la coquille vide du sentiment qu’est le PN. Le MPN plus précisément, le Manipulateur Pervers Narcissique.
Le MPN c’est le mec qui te kiffe au début et fait le mignon, et après te traite comme un chien en te faisant poser mille questions. Oui, c’est un mec quoi. Qui s’en branle un peu plus qu’avant apparemment. Qui devrait pas tarder à te lourder d’ailleurs. Ah ben tiens, c’est fait : « Tu devineras pas, Machin m’a larguée. C’était vraiment un pervers narcissique ce mec ». Well, oui certes, mais c’était surtout un pauvre type qu’en avait rien à cogner non ? Non, je sais, je vais m’attirer les foudres des meufs qui ont vraiment fini par manger leur caca sous l’influence d’un vrai MPN. Alors, à celles-là, je présente mes hommages par anticipation et ne les invite pas à lire le nouveau livre de Natasah Kampush avant de dormir.
C’est un peu flippant quand même de se dire qu’ils sont tous parmi nous. Si ça se trouve je le suis aussi. Faut que je demande à mon psy, il a bien dû me ficher P, Q, R, T, T’, avec un dossier cartonné de couleur selon la catégorie (couleur Désigual elle doit être ma pochette, vu tout ce que je cumule).
Ce qui est moins flippant par contre, c’est que maintenant tous les gamins sont HPI, précoces, zèbres. Surdoués quoi. En voilà qui ne grandiront pas pervers narcissiques, c’est déjà ça. Une bonne tripotée de petites personnes sensibles, curieuses et intelligentes, ça va être cool. Ça risque juste de faire foirer Secret Story 32 mais tant pis, on matera Des chiffres et des lettres. Tiens, pas plus tard qu’hier, ya une maman-câlin qui a sauté direct la traditionnelle discussion gastro pour me vanter la passion de son fils de 4 ans pour Des chiffres et des lettres justement. Freaky… Et juste après, une grand-mère qui m’a raconté qu’après 10 jours de petite section, son petit-fils connaissait la comptine de l’alphabet. Oui, enfin le mioche il a l’air, mais il a peut-être pas les paroles hein. Ça marche aussi avec la chanson des tables de multiplication, qu'il doit maîtriser évidemment.
C’est vrai qu’à force de manger de la psy à longueur de magazines, le langage s’est banalisé. On connaît des termes hyper précis et on se range tous gentiment dans nos petites catégories rassurantes (enfin moi c’est un peu les poupées russes ma catégorie, c’est pas ultra tranquillisant). Du coup, se pose évidemment la question de l’antidépresseur, ou de l’anxiolytique, ou les deux n’en parlons plus. Ah ben là-dessus pareil, tu peux carrément rajouter une colonne à ton petit-bac, sûr que t’en connais assez pour les balancer rapidos dans n’importe quelle lettre de l’alphabet. Trop facile en L d’ailleurs.
En attendant, évidemment je suis en burn out, j’ai la cocotte-minute qui déborde et puis plouf, plus rien. Le burn out, c’est rien de mieux qu’une bonne vieille dépression des familles. Mais ça fait moins grave, plus éphémère, plus social friendly. C’est chic comme nom. « Mais tout à fait mademoiselle*, votre chef est un pervers narcissique et comme vous êtes surdouée et sous-utilisée, vous êtes également en bored-out. Mais ouiiiii, tout à fait, comment m’avez-vous comprise » ?
Putain, je crois que mon article est en train de déborder sur moi là, ça va pas du tout, je deviens complètement bipolaire, je vais aller me mettre un petit cacheton, ça vaut mieux. Ou non, je vais allez noyer ma cervelle dans Secret Story, ça fait pareil, ça engourdit.
* Ya pas de mal à se faire du bien, ne pas hésiter à s'auto-appeler mademoiselle, même si ça fait vieille pouffe sur le retour