Les vacances, c'est compliqué que ce soit simple!
Comme le professait au début de l’été l’un de mes amis, avec qui je partageais ma neuvième burratta de la semaine , les vacances c’est compliqué que ce soit simple ! Cet aphorisme de lieux communs nous avait évidemment bien fait rire, jusqu’à ce que nous réalisâmes, lors du débriefe de rentrée, qu’il avait finalement tout bon. Le feu ça brûle (les forêts du Var), l’eau ça mouille (les vacanciers du Pays basque) et la vie c’est compliqué que ce soit simple ! C’était d’une évidence fulgurante ! Et quelle meilleure illustration de cette simplicité compliquée que la période des vacances ?
La très à la mode injonction au bonheur trouve son apogée dans cette période d’obligation de détente. Période durant laquelle tu vas pourtant devoir te débattre avec ta machette au milieu d’événements reconnus comme facteurs de risque d’hypertension majeurs par l’OMS : les transports à répétition, les conversations de plage incessantes, la fabrication de salades géantes, avec assez à manger dedans. Et le tout, avec des spectateurs permanents, en la présence des autres forçats qui partagent ton cubi de rosé. Dans la catégorie été compliqué, mention spéciale, une fois encore, à la SNCF, qui te demande si tu veux le bilan carbone de ton voyage, alors que tu voudrais juste le bilan financier de ton appel de 52 minutes, qui raccroche juste au moment de payer. Et donc ton bilan cardiaque suite à ta syncope d’énervement.
Pourtant, dès juin, tu commençais à te tripoter le millefeuille en t’imaginant sur un transat, lisant une œuvre qui révolutionnerait ta vision de la vie, sur un fond de piano et d’air marin. En août, te voilà assise avec le bide qui blouse sur ta serviette de plage, perpétuellement dégueulasse, grâce à tes 17 gosses qui manquent de se noyer pendant que tu reluques des #instacrazy #instasexy de gens merveilleux. Ce genre de gens qui ont utilisé la fonction « crop » sur l’intégralité des difficultés de l’existence. Mais comment font-ils, nom de nom? Auraient-ils par hasard laissé leur cervelle dans le coffre-fort de l’hôtel? Pourquoi tout paraît si simple, avec ces sourires à pleines gencives? Ils sont moins exigeants ? Ils se posent moins de questions ? Ils s’ancrent dans le présent en respirant sur huit temps en chandelle ? Ils se droguent ? Ils sont complètement débiles ? Ils ont quoi, ces gens, bordel, pour que tout paraisse simple et spontané, alors que c’est blindé d’artifices ? Pour trouver tout passionnant, alors que ça a l’air d’être chiant comme une après-midi au musée de la céramique ?
Toi, tu as beau avoir relu tous les posts de fengshuidelatête.org, tu trouves que tout est forcément plus compliqué qu’une balade en bouée flamant rose avec IPhone imperméable. C'est compliqué de lire un bouquin avec des mioches qui t'interrogent sans cesse sur comment on fait les bébés et est-ce qu'ils ont du pipi dessus à la naissance? C'est compliqué de parler de soi avec des copines qui préfèreraient que tu leur lises leur horoscope H24. C’est compliqué d’être précisément là où tu voudrais être. C’est compliqué de faire plaisir aux autres, parce que tu n’es pas toute seule. C’est compliqué de cohabiter entre tes mioches erratiques, ton mec irascible et tes parents harassants. C’est compliqué de vider quatre lave-vaisselles par jour, même en maillot triangle (en plus ça fait le sein qui tombe à la fin).
La philosophie du « il est où le bonheur ? Il est où ? Il est là » est peut-être un tantinet difficile à gober la bouche ouverte, si on y songe. Mais, peut-être, justement, ne faut-il pas y penser, comme quand tu bois une bière cul-sec en t’ouvrant la glotte ? Je réfléchissais justement intensément à cette idée de ne pas réfléchir, l’autre jour, en cuvant mon vin blanc pêche sur la plage de Capri. (Tu noteras, lecteur averti, qu’il s’agit d’un mensonge, car il n’y a pas de plage à Capri... Mais, bon, j’essaie de réhausser un peu le récit de mon été, histoire qu’on ne me balance pas des boîtes de Xanax dès qu’on me croise…). Et là, entre deux relucages d’Andrea et d’Alberto, me vint à l’esprit cette phrase de Gramsci: « Je suis pessimiste avec l'intelligence, mais optimiste par la volonté ». (Oui, moi, quand tu m’emmènes à Capri, je pense marxisme révolutionnaire, ça compense avec les boutiques Rolex).
Considérant qu’il est est fort probable qu’une petite dose d’ennui vienne se greffer dans tes douces vacances si simples, il est aisément imaginable que l’oisiveté du cerveau emmène l’intelligence vers les méandres du pessimisme (ou de l’anxiété pour les meilleures d’entre nous). Et que ta volonté de fer soit en berne, sous l’effet d’un excès de détente, réduisant en poussière de sable ton légendaire optimisme. Bref, encore de belles perspectives de simplicité...
Il apparaît finalement que faire simple soit beaucoup difficile que de faire compliqué. Compliqué, on connaît. Depuis toujours on fait cohabiter envies profondes (grasse mat', rires, amour fou) et réalités (prises de tête en famille, horaires, déception). Ça te permet d’osciller dans ton petit combo interne, qui te fait passer d’adorable à odieuse en une minute, sans que personne ne comprenne pourquoi.
Mais heureusement, on a bien sûr relu tout Bergson sur la plage, entre deux photos Whatsapp de concours des meilleures vacances et on a tout compris! Le remède c’est la spontanéité, et non l’artifice! Il faut laisser vivre ton être originel, fait d’improvisation et de réactivité. Bon, moi, je veux bien me l’appliquer le précepte, mais alors là, ça risque d’être l’open bar à la phrase rien à branler du genre « l’année prochaine, moi, j’irai au Club Med et vous vous démerderez ». En attendant d’être simple, on peut déjà essayer de parler simplement. Ou alors se dire qu’au moins, avec la rentrée, on est bien à l’aise, vu qu’a priori, ça devrait être compliqué!