Les chaussures c'est comme les mecs (en mieux)

Chez Madame Meuf, on a beau faire sa maligne, on se plie aux lois de la génétique et on fait comme bon nombre de nos comparses féminines, à savoir être complètement assujettie et dépendante à la passion godasses.

Et on l’assume haut et fort qui plus est (il faut bien réussir à assumer deux, trois trucs dans sa vie; avoir plein de chaussures est un sujet suffisamment léger pour commencer). On le revendique même, car la passion chaussures est sans fin, elle nous permet de nous étourdir jusqu’à plus soif, plus soif qui n’arrive jamais, évidemment. Acheter des chaussures c’est donc assouvir une pulsion de vie merveilleuse, qu’il serait bien incongru de vouloir freiner en ces temps anxiogènes. D’autant qu’une passion qui dure, c’est suffisamment rare pour vouloir la dompter ! Ça va mieux là, non ?

Certes, il faut considérer les potentiels aléas financiers, mais quand on parle passion, on parle déraison, alors foutez-nous la paix! Au mieux, on peut toujours prétexter l’argument du besoin fonctionnel et de l’investissement durable qui justifierait un certain prix, mais personne n’est dupe, vu qu’à 35 paires, tu les mets max 10 fois par an et qu’elles se démodent en plus. En matière de finances, il existe tout de même deux options. Soit tu as plein de thune et alors là, libre à toi. Soit tu es sans le sou, et passer outre ce léger détail en évacuant la question et en achetant quand même les objets de ton désir, c’est finalement te permettre d’"upgrader" tes prétentions. De t’acheter la vie qui va avec quoi !

Les chaussures c’est un peu la question de la poule et de l’œuf, tu ne sais pas si c’est elles qui te dictent ton mood ou si c’est toi qui les choisis en fonction. C’est un peu les deux sans doute, mais ça raconte leur toute puissance quand même.

Ça fait la poule et l’œuf également en matière de désir : tu désires ces chaussures et tu te sens désirable avec. C’est aussi bien qu’une bonne psychothérapie ou qu’un trip sur Gleeden en fait ! La prochaine fois que ton mec t’engueulera parce que tu dilapides une fortune en chaussures, tu pourras toujours lui rétorquer que ça pourrait être pire. Ou que tu compulses parce que tu compenses un manque ! Tu peux également tenter le coup du « non, je les ai toujours eues » à la découverte d’une nouvelle paire cachée, qu’il faut nécessairement assortir d’un « tu vois, tu ne me regardes plus » qui devrait couper court à toute discussion – jusqu’à la prochaine paire (genre demain).

La godasse c’est comme un petit coup vite fait (ça se dit encore un quickie ou ça ne s’est jamais vraiment dit ?). En deux minutes c’est réglé: ça va, tu pars avec, ça soulage (et ça peut culpabiliser après). C’est beaucoup plus simple et satisfaisant que d'essayer de dérouler ton jean skinny en te tortillant et en te cassant la gueule pour pas que tes pieds touchent le sol de la cabine d’essayage (tout le monde fait ça, n'est-ce pas?). Pour essayer par exemple... une combinaison ou un body, la galère incarnée.

Pour les plus attaquées à l’addiction, tu peux mettre toute ta vie à trouver chaussure à ton pied, comme dans ta vie sentimentale. Et quand tu les vois, c’est instinctif, tu as l’intuition de ce que tu vas vivre avec elles : grande histoire à chialer quand ça s’arrête, coup de cœur passionnel mais passager, celles dont tu sais que tu vas souffrir mais tu y vas quand même, les rassurantes, comme un vieil amoureux transi, les étonnantes, tu ne pensais pas que ça aurait marché… Chaque nouvelle paire est l’apparition d’un désir neuf. Une nouvelle première fois. C’est sans fin, c’est légal, ça ne file pas le sida. Que demander de plus ?!

Après tu as les fameuses chaussures que tout le monde a. Les Patricia Blanchet, genre le beau gosse de l’école tout monde veut les mêmes, Les Stan Smith, le mec pétasse que tout le monde s’est tapé, les ballerines, le mec plus vieux qui s’intéresse à autre chose qu’au cul, les tongs, le surfer de passage, les mules, la grosse erreur de jeunesse (plus jamais ça !), les chaussures pratiques=le mec chiant…

Dans le registre de la chaussure qui suit ton évolution, sache qu’elle grandit avec toi. Et… mauvaise nouvelle… une fois que t’es passée à la chaussure quali, difficile de revenir aux chaussures cheap. C’est comme la tromperie ou le vote FN (il paraît que ça leur fait ça), une fois que t’as ouvert la brèche, difficile de revenir en arrière. Et quand tu t’achètes quelques petites paires de merde, comme ça en passant, tu as l’impression d’avoir trompé ton mec, bourrée en soirée.

Après, il y a toujours deux ou trois personnes au-dessus de la mêlée qui considèrent comme Michel-Ange (qui n’était pas une femme pour mémoire) qu’« a l'esprit vide et aveuglé celui qui ne reconnaît pas que le pied est plus distingué que la chaussure ». Alors oui. Mais non. Même ultra pimpé chez les Chinoises du coin, ton pied ne sera jamais aussi beau qu’avec des chaussures en cuir sublimes que tu peux reluquer à l'envi. Perso, ça me le fait plus particulièrement avec deux paires : une tellement suave qu’on dirait de la peau d’éléphant, on a envie de les caresser pour vérifier. D’ailleurs c’est peut-être de l'éléphanteau et aux amatrices de pompes vegan qui pourraient passer par là, je rappelle que mes chaussures sont belles au point de rentrer chez Castel, donc la bestiole s’amuse quand même plus là avec moi qu’avec une bande de Jean-Claude Dus sur le dos. L’autre fois, avec ma dernière trouvaille de bottines noires parfaites (et donc vitales), j’ai passé la soirée à m’auto-mater les pieds en faisant des effets de jambes façon bonnasse, au point d’envisager de galocher mon talon en acajou. C’est dire si c’est phallique, c’est même limite scato tellement ça marche dans des tas d’horreur dans la rue d’ailleurs.

Parce que oui, j’ai oublié de vous le dire tellement c’est évident, mais il va de soi que les chaussures sont l’apparat phallique des femmes. Objet de pouvoir, de castration, de désir, de séduction narcissique. Elles affichent clairement la couleur. Selon ce que tu portes, on peut savoir ce que tu attends.

Enfin, il y a parfois un sujet douloureux que nous sommes  obligées d’affronter de face : la chaussure forcée. Je ne parle même pas des chaussures de travail style bloc opératoire. Je ne peux pas envisager cette idée, ça devrait être une clause de refus de poste chez Pôle emploi. Non, je parle de la contrainte de te chausser utilitaire, confortable. Genre randonnée par exemple. L’horreur totale. Mais là encore, tout est question de choisir la vie qui va avec tes pompes. Une fois, mes copines roots m’avaient contrainte à faire du backpaking et j’avais organisé la résistance en refusant tout de go les chaussures de teutonnes à scratch et en arborant des petites godasses féminines pendant tout le voyage. Je ne veux pas dire, mais c’est quand même moi qui suis restée tout l’été dans une villa en Grèce avec mon nouveau fiancé local, alors qu’elles squattaient la plage en duvet…

Ya pas à dire, catégorie penseurs, c’est bien Rihanna qui a raison de se la péter en affirmant « Nicki Minaj a de plus jolies fesses, j’ai des plus jolies chaussures ! »

Bon, après je crois quand même qu’hormis Georges Tron qui aime prendre son pied avec celui des autres, les mecs préfèrent quand même nos fesses à nos godasses. Mais, comme ce qu’ils veulent avant tout, c’est qu’on soit bien dans nos baskets, autant jouer au maximum la carte de la surprise avec nos milles paires de chaussures. Ça n’est pas chez Madame Meuf qu’on vous reprochera un peu de versatilité ou d’inconstance…

BeautéMadame Meuf